Construction du télescope
Projet
Construction d'un télescope de type Newton :
- diamètre 254mm
- rapport f/D = 5
monture Dobson ouverte de type Strock
Nous réalisons le miroir dans l'atelier d'optique de la Société Astronomique de France (SAF) à la Sorbonne et la monture dans la menuiz sur le campus de l'ens.
Pour en savoir plus sur les détails du projet vous pouvez consulter le dossier CVI accepté le 29/11/2011.
Récit de bataille et Techniques
Début de la taille du miroir !
Par Mathias Nowak le 29 janvier 2012
Nous sommes le 17 Janvier, et cette fois, c'est le début de l'aventure. Les membres de la Société Astronomique de France nous accueillent dans leur atelier (situé sous la coupole de la Sorbonne, dans le 5ème arrondissement de Paris), et nous guident pour nos premiers pas.
Avant tout, il faut réaliser les chanfreins. Notre futur miroir n'est, pour le moment, qu'un disque de verre (un borosilicate, pour être précis), de 254 mm de diamètre, et de 25 mm d'épaisseur. Pour éviter les écailles sur les bords lors de l'ébauchage, il faut donc le chanfreiner (ie : "adoucir les bords"). Quelques rapides explications, et puis c'est parti. Je revêts la blouse de Stéphane, je prends la rappe, et j'essaye de faire au mieux. Pas évident, je n'avance guère... Marc-Antoine prend le relais pour la deuxième face du "miroir". En une petite heure, cette première étape est achevée.
Quelle suite donner à ça ? On nous explique qu'il va d'abord falloir dépolir le dos du miroir, pour éviter des reflets parasites lors des phases de mesures optiques (qui viendront dans longtemps, longtemps, longtemps...). Soit. Comment fait-on ? Rien de plus simple. On pose le miroir sur le plan de travail. Un peu de carbure de silicium (une poudre abrasive), grain 80 (le plus gros), et un peu d'eau dessus. On pose "l'outil" (un disque de verre du même diamètre que notre miroir) dessus, et on frotte les disques l'un contre l'autre. La technique est particulière. Une démonstration, faite par un membre de la SaF, est disponible en vidéo (CF fin du billet pour l'adresse du site). Une fois le travail achevé au grain de 80 (17 séchées pour nous, en alternant miroir dessus / miroir dessous, pour conserver la planéité du miroir), on recommence au 120.
Il faudrait continuer avec un grain de 400 pour obtenir une belle surface. Mais on nous explique que l'on risque de faire des rayures moches sur le dos, lorsque l'on va retravailler la face optique avec le grain de 80. L'idéal : alterner les faces. 120 sur le dos ; 80 sur la face optique ; 120 sur la face optique ; 160 sur le dos ; 160 sur la face optique ...
D'accord, d'accord ! Alors on passe à la face optique ? (nous ne sommes pas venu là pour tailler un dos de miroir, tout de même !) Grain de 80, miroir dessous, course longue. Et c'est parti !
CF : les vidéos prises par Marc-Antoine, sur son site :
La séchée
Par Mathias Nowak le 29 janvier 2012
Oulah ! Attention, terme important ! La séchée, aussi appelée "mouillée" dans le monde Anglo-Saxons (c'eût été trop simple de choisir le même terme dans les deux langues !), Ça n'est rien d'autre que l'élément de base pour comptabiliser le travail fourni lors de la taille d'un miroir. "J'ai fait 30 séchées au 80, puis 20 au 120". Mais qu'est-ce que ça signifie ?
La Base :
Revenons-en aux fondamentaux. Comment taille-t-on un miroir de télescope ? Et bien en le frottant avec un abrasif ! Concrètement, donc, on se munit : - d'un plan de travail adéquat (un tonneau, c'est très bien) - d'un disque de rayon R, a tailler - d'un autre disque de rayon R, dit "outil" - de carbure de silicium (plus connu sous son nom de marque : "carborundum") - d'un opérateur (vous, moi, un membre de la SaF...)
Et l'on s'y prend comme suit :
- 1 - poser le miroir a tailler a plat sur le tonneau
- 2 - verser dessus un peu d'abrasif
- 3 - ajouter un peu d'eau (mais pas trop, juste de quoi former une espèce de pâte avec le carbo)
- 4 - placer délicatement l'outil sur le miroir
- 5 - appuyer, en faisant deux ou trois aller-retour (voir vidéo)
- 6 - se décaler autour de tonneau, dans le sens de son choix (mais fixer le sens une fois pour toute)
- 7 - tourner l'outil entre ses mains, dans le sens contraire à celui de la rotation autour du tonneau
- 8 - reprendre à l'étape 5, jusqu'à ce que le carborundum ait été broyé, et ne soit plus efficace
- 9 - nettoyer (grossièrement) le miroir et l'outil, et reprendre à l'étape 2. Voilà, ça, c'est la base. Mais après, évidemment, il y a des subtilités...
Miroir dessus / Miroir dessous ?
Première chose à noter, la description ci-dessus est valable pour une séchée dite "miroir dessous" (dans laquelle, donc, le miroir est sous l'outil). Une telle séchée permet de creuser le centre miroir en son centre, et, en conséquence, a tendance à "bomber" l'outil. On peut, si l'on souhaite bomber le miroir (en fait, creuser les bords, donc), inverser les rôles. On place l'outil sur le plan de travail, et le miroir dessus. C'est une séchée dite "miroir dessus".
Quelle longueur de course ?
Question fort naturelle, qui va inévitablement traversé l'esprit de quiconque n'y connait rien mais a quand même décider de fabriquer soi-même son miroir. Alors oui, quelle longueur de course ? Et bien je n'en sais rien, voilà ! La moitié du diamètre lors de la phase d'ébauchage au 80, mais c'est tout ce que je peux dire pour le moment...
Dans quel sens je tourne ?
A ça... Dur dur de s'y repérer au début. Il faut dire, aussi, que le réflexe naturel est de tout tourner dans le même sens (l'outil aussi bien que soi-même autour du tonneau). Oui, mais ça c'est mal. Pourquoi ? Parce que si l'angle de rotation de l'outil a la même valeur que celui dont on a tourné autour du tonneau, alors l'outil est exactement dans la même position par rapport à nous. A éviter, donc, puisque seul l'aléatoire dans les courses permet d'assurer que le miroir se creuse sphériquement... Bien, mais alors comment s'y retrouver. Pas d'inquiétude, l'habitude vient vite, et l'on finit par s'y prendre correctement, sans même sans rendre compte. Pour le début, il faut être vigilant, et se surveiller. Je peux tout de même proposer le bon conseil de Stéphane, qui préconise d'éviter d'être trop cérébral dans ce cas, et de "penser avec une main". Concentrez-vous, donc, sur celle de vos mains, qui guidera la rotation...
Damnées piqures !
Par Mathias Nowak le 7 mars 2012
Après tant de séchées, tant d'abrasif abrasé, tant de soirées passées dans le froid et la pénombre de la Sorbonne, bref, après tant de travail fourni, nous avons finalement atteint la flèche nécessaire, et commencé (voire même presque achevé) le douci sur la face optique. Les grains de 120, 200, 400, ont défilé les uns après les autres, sans que rien ne semble en mesure de nous arrêter.
Oui, mais voilà. Le 600 semble plus problématique. 3 séchées, contrôle de la qualité de la surface. Il y a des piqures. De nouveau 3 séchées. Contrôle de la surface. Certes, les piqures ont disparues, mais en laissant la place à de nouvelles. C'est déroutant, et très désagréable. On tourne en rond (au sens figuré comme au sens littéral)... Et pourtant, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. On ne devrait pas faire autant d'éclats avec un grain aussi fin. Quid ? Ce ne sont peut être que des piqures sourdes, résidus de contraintes exercées lors des phases précédentes, qui se révèlent maintenant... Oui mais alors, que faut-il faire ? Cela sert-il de continuer le 600 ? Ne vaudrait-il pas mieux changer immédiatement de sale, et passer à la poix. Nous finirons bien par les avoir à la poix, ces piqures ! D'autant que, globalement, l'état de surface est plutôt bon. Le mieux, c'est peut-être de demander à un Gourou de la SaF. Aussitôt dit, aussitôt fait. Mais voilà, la réponse, qui était plutôt attendue d'ailleurs, nous fait bondir : "le mieux, c'est peut-être de repasser au 400. Même si c'est pour une heure, parfois c'est mieux". Repasser au 400 ? A ça, jamais ! Le même discours nous est tenu depuis le début, et pourtant, nous sommes venu a bout de toutes les rayures et piqures, aussi profondes et tenaces fussent-elles, en persévérant avec le même grain. Nous prenons sur nous, donc, de faire fi de ce conseil, et de continuer au 600. Avec force patience, et plusieurs séchées supplémentaires, la situation semble finalement s'améliorer. Ouf !
Nous sommes le 6 mars 2012, il est un peu plus de 23h. Un dernier contrôle sous la loupe binoculaire révèle une situation nettement encourageante. Encore deux ou trois séchées au 600, et la surface devrait être parfaite.
Nous sommes maintenant dans l'antichambre du Saints des Saints : la salle de polissage !
Miroir dessus ou miroir dessous ?
Par Mathias Nowak le 7 mars 2012
Question extrêmement importante, qu'on ne cesse de se poser tout au long de la réalisation du miroir ! Quelle différence, donc, entre miroir dessus et miroir dessous ?
- C'est très simple. Soient A et B deux disques de même rayon, éventuellement d'épaisseurs différentes (n'est-ce pas Jérémy !). Considérons le cas où un opérateur O réalise une séchée avec ces deux disques, à l'aide d'un abrasif de grain g. Notons Dinf celui des disques A ou B qui se situe en dessous lors de la séchée, et Dsup celui qui se trouve au dessus. On a alors le
Théorème ("fondamental", ou "de répartition de l'abrasion") : Quelle que soit la valeur de g utilisée, l'abrasion aura lieue préférentiellement sur les bords de Dinf, et au centre de Dsup.
- Il en découle fort naturellement le
Corolaire (concavité du disque supérieur) : Dans le cas ou g est suffisamment petit (typiquement, 0<g<200), Dinf aura tendance a se bomber, alors que Dsup aura tendance à se creuser. Le disque supérieure aura tendance à devenir concave.
- Ce théorème est absolument fondamental pour la fabrication d'un miroir de télescope (j'en ai une démonstration vraiment merveilleuse, que ce billet est trop petit pour contenir...). Il permet, à lui seul, de décider, quelle que soit la situation, qui du miroir ou de l'outil doit être placé dessus. Illustrons-le avec quelques exemples :
- 1 - Tant que la flèche du miroir n'est pas obtenue, il faut travailler miroir dessus, afin de creuser ce dernier.
- 2 - Si l'on veut conserver la flèche du miroir alors que l'on travail avec un gros grain (ie, g petit), il faut alterner les séchées miroir dessus et miroir dessous.
- 3 - Lorsque l'on passe au phases de doucissage, pour éliminer les piqures sur les bords, il faut travailler miroir dessous. Pour éliminer celles du milieu, préférez des séchées miroir dessus.
Exercice : Je suis à la phase de doucissage de la face optique. J'en suis au grain de 600. Je constate, en contrôlant la surface de mon miroir, que j'ai une rayure, partant du centre, et s'étirant jusqu'au bord. La rayure étant peu profonde, je décide, quoiqu'en pense le reste du monde, de continuer au grain de 600. Dois-je faire ma prochaine séchée miroir dessus ou miroir dessous ?
Purée de pois
Par MAM le 15 mars 2012
Les piqûres sont parties, la vaccination faite.
On va à présent passer dans la salle chauffée et commencer le polissage à la pois!
Une petite pensée toutefois pour Jérémy qui restera de l'autre côté de la porte à améliorer la surface de son miroir comme nous l'avons fait jusqu'à présent. Nous lui souhaitons bon courage!
En cette soirée du mardi 13 mars, en plus de bannir les piqûres de notre miroir, nous avons aussi fait un tour dans l'observatoire de la Sorbonne qui a une vue imprenable sur Paris. La lunette est aussi en bon état, surtout l'optique! Nous avons pu voir nombre de détails sur Jupiter et Mars.
L'outil en staturoc
Par Mathias Nowak le 1 avril 2012
L'outil est sans doute le plus fidèle allié du tailleur de miroir. C'est peut-être même la seule compagnie qu'il aura durant les heures sombres qu'assurément il vivra. Il ne faut donc pas le négliger !
Dans la plus pure tradition du Texereau, l'outil n'est rien d'autre qu'un deuxième disque de verre, fort similaire à celui qui deviendra miroir, quoique pas nécessairement du même matériau. Mais les mœurs évoluent, et certaines voix s'élèvent contre cette façon de procéder, en préconisant la réalisation d'un outil sur-mesure, en staturoc. Cette technique, celle retenue pour la taille de notre propre miroir, reste simple, et très efficace pour obtenir un outil. En quoi consiste-t-elle, et comment procéder ?
Rien de bien compliqué. Pour commencer, il suffit de se munir de staturoc (une sorte de plâtre, plus résistant), de son disque censé devenir miroir, de colle type Araldite, et de carreaux de céramique (des carreaux de mosaïque, de 2,5 cm de côté environ, font parfaitement l'affaire). La première étape consiste à couler le staturoc sur le disque de verre, afin d'obtenir un disque de 3 cm d'épaisseurs environ. Pour ce faire, l'on se munira d'un morceau rectangulaire de plastique, d'une vingtaine de centimètres de hauteur, que l'on enroulera autour du disque de verre, de sorte que l'on obtienne ainsi un récipient, dont le fond n'est autre que la face optique du futur miroir. On remplira ce récipient de poudre de staturoc (environ 5-6cm environ. Restera alors à y ajouter de l'eau, afin de délayer la poudre pour obtenir une sorte plâtre. On laissera le tout reposer ainsi jusqu'à complet séchage. Après quoi, il en ressortira un disque de plâtre du même diamètre que le miroir, et de 3 cm d'épaisseur environ. Il suffira alors de coller sur la face qui était en contact avec la face optique lors du séchage (et qui a épousé sa forme) les carreaux de céramique, à l'aide de colle. On veillera à coller les carreaux régulièrement espacés (avec un interstice de 2-3 mm), en formant un quadrillage. On fera attention, pour des raisons de non-symétrie souhaitée de l'outil, à faire en sorte que le centre de l'outil ne coïncide pas avec les centre d'un carreau, mais soit placé environ au quart d'une diagonale. Enfin, on songera à ne pas placer les carreaux au hasard, et à tenter de réaliser une belle figure de mosaïque ! Une fois cette tâche réalisée, l'outil est terminé !
Miroir malpoli
Par Mathias Nowak le 20 mai 2012
Cela fait plus d'un mois et demi que rien n'a été posté sur ce site... N'allez pas croire que c'est parce que les travaux n'avancent pas ! Croyez plutôt que c'est parce qu'ils avancent... très lentement !
- Après avoir réussi, tant bien que mal, à ébaucher et à doucir le miroir, nous sommes finalement passés à la phase de polissage. Or, il se trouve que nous y rencontrons pas mal de difficultés ! Il nous a fallu nombre de séances pour éliminer le "gris" du miroir. Quoique s'effaçant assez rapidement sur les bords du miroir, celui-ci persistait néanmoins au centre. A priori, l'explication la plus plausible est que miroir et outil n'étaient pas parfaitement réunis lorsque nous sommes passés à cette étape, si bien que notre miroir ne devait pas être tout à fait sphérique.
Ce sont sans doute ces conditions difficiles (ou la fin des pots ?) qui ont poussé Marceau et Jean-Noël à venir nous prêter main forte, et nous soutenir (au moins moralement, pour le dernier cité ). A nous quatre, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, nous avons redoublé nos efforts, et sommes finalement parvenus a améliorer la situation. Le gris à maintenant complètement disparu, et l'on se satisfait de constater que l'on peut commencer à mirer nos grosses têtes dans ce miroir ! Malgré tout, un examen de la surface à la loupe binoculaire révèle encore la présence de piqûres, en particulier sur les bords, qu'il s'agirait d'éliminer avant de songer à passer à la prochaine et dernière étape : la parabolisation ! A ce propos, l'appareil de Foucault, décidément implacable, a fait voler en éclat le secret espoir que nous entretenions d'avoir déjà un miroir parabolique. A la mesure, le verdict d'un des gourous de la SaF fut sans appel : "miroir a peu près sphérique, de rayon de courbure d'environ 2600mm". Ce qui signifie, d'une part, que nous devrons nécessairement passer par les so-called "courses en W", et d'autre part, que notre télescope aura un rapport d'ouverture légèrement plus haut que la valeur initialement prévue (qui était, pour mémoire, de 5.0). On se demande bien comment cette valeur, qui tombait bien lors des mesures au sphéromètre, a pu changer entre temps... Piqûres qui refusent de partir, gris qui ne daigne pas disparaître, parabolisation qui ne se fait pas toute seule, rayon de courbure qui change sans préavis : ce miroir est décidément bien malpoli ! Dans tout ça, on se demande quand diable le télescope verra la nuit...
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