le critiquage
ci suivent des critiques littéraires personnelles, écrites pour faire de la pub pour les livres que j’ai aimés et pour donner des idées de lecture à d’autres gens (je pense à Le Mirak qui m’avait réclamé des critiques de b·d· pour la Med). comme je lis relativement beaucoup, il semble pertinent que je fasse ça. comme en réalité, je sais que personne ne me lira ici, mes vraies raisons sont égoïstes : m’entraîner à l’écriture et me rappeler ce que j’ai moi-même pensé de ce que j’ai lu. et aussi pour que ma longue liste de lecture ait l’air de servir à quelque chose. mais je peux pas dire ça dans une intro.
à noter, il existe déjà sur ce wiki cette page pour les romans et celle-ci pour les b·d·.
comme c’est la tradition, j’indique aussi une note dans à l’attention des gens pressés, dont voici la sémantique :
- ☆☆☆☆☆ nul à chier
- ★☆☆☆☆ a le mérite d’exister
- ★★☆☆☆ se lit
- ★★★☆☆ chouette livre (divertissement agréable)
- ★★★★☆ livre exceptionnel (coup de cœur, pas forcément parfait mais excellent)
- ★★★★★ livre unique (coup de foudre, il n’y en a qu’une poignée dans l’univers)
exemples avec des livres que tout le monde connaît :
☆☆☆☆☆ SAS (ceci dit j’ai pas lu (oui je suis le préjugé)…)
★☆☆☆☆ Flatland
- ★★☆☆☆ Stephen King
★★★☆☆ Harry Potter, Le trône de fer
★★★★☆ De cape & de crocs
★★★★★ À la croisée des mondes
alors évidemment, je vais pas m’embêter à critiquer des livres que tout le monde connaît. aussi, comme je préfère faire de la pub pour les livres que j’adore plutôt que verser de l’encre pour démonter des livres que de toute façon personne ne connaît, il ne faudra pas s’étonner si toutes les notes sur cette page sont au moins égales à ★★★☆☆.
Sommaire
''Récits du Vieux Royaume'', Jean-Philippe Jaworski
Janua Vera (recueil de dix nouvelles, 2007) suivi de Gagner la guerre (2009)
- éditions FolioSF, 2015
- fantasie
- ★★★★☆
de l’épique, du guerrier, du complot, du chevaleresque, du mélancolique, du bouffon, du fantastique… il y en a pour un peu tous les goûts avec les dix nouvelles de Janua Vera, qui nous font voyager dans l’histoire, les contrées et les cultures du Vieux Royaume imaginé par l’auteur.
comme souvent avec un recueil, c’est assez inégal (ce qui est sans doute une question de goût, justement). mais c’est globalement très bon. l’auteur est capable d’aborder des thèmes et des personnages très variés, et surtout démontre un véritable talent d’écriture : les nouvelles se distinguent en effet par leur style unique. notamment, la première est fascinante — ce qui est commode pour capturer le lecteur pour le reste du recueil — et la troisième, narrée par un personnage plein de gouaille et peu fréquentable, est réjouissante ! on en redemande…
… et on est exaucé ! car Ciudalia, la riche et millénaire cité portuaire, vient de Gagner la guerre contre ses voisins insulaires. c’est maintenant que ça devient intéressant car il va falloir déterminer qui exactement a gagné…
à notre grand plaisir, on retrouve donc pour 700 pages toute la verve de Jaworski — les passages en jobelin sont tout simplement épiques ! le décor est très sympa, ambiance italienne rappelant la République romaine et les cités-états marchandes du Moyen-Âge. imprégnée donc d’une bonne couche de pourriture, terreau fertile où la corruption, les magouilles, les complots, les vendettas et tous ces trucs pas très nets s’épanouissent à un rythme soutenu. l’histoire est trépidante et pleine de surprises jusqu’à la toute fin.
rare regret : l’irruption soudaine et assez arbitraire de la magie dans l’intrigue. mais ça ne gêne pas beaucoup, et puis je suis un peu tatillon là-dessus.
la magie dans la fantasie
l’auteur
avant d’écrire, Jean-Philippe Jaworski concevait des jeux de rôles. autant dire que le gaillard est familier de la fantasie ! Janua Vera et Gagner la guerre sont ses deux premières publications, toutes deux primées. il travaille maintenant à sa trilogie « Rois du monde », dont il me tarde de lire le premier tome Même pas mort.
— Malpathoque, le 2017-05-08
''Le veilleur du jour'', Jacques Abeille
- 1986
- éditions Le Tripode
- fantasie
- ★★★★★ (avec réserve, lire la critique)
un homme sans mémoire arrive en ville. la ville, Cerrèbre, centre du monde en lente déliquescence. malgré son désir de s’embarquer pour les îles, il se voit bientôt chargé d’une étrange tâche : garder, de jour, un entrepôt désert. mais les lieux semblent chargés d’un sens occulte. percera-t-il les secrets du bâtiment ?
difficile de résumer Le veilleur du jour sans le gâcher : l’histoire avance si lentement que révéler le moindre élément significatif d’intrigue nous emmène déjà à la page 100. mais ce n’est pas l’essentiel car, si c’est extérieurement un roman, c’est en réalité plus proche de la poésie en prose. pour donner le ton, le livre s’ouvre sur une dédicace à Nerval.
les thèmes abordés sont, en quelques mots : l’amour, la ville, la mémoire et l’écrit. et avec un peu plus de détail : l’effet polarisant de la ville (et la campagne effacée), son âme et son histoire oubliées, la quête archéologique, la transmission et l’oubli du savoir, la mémoire individuelle, les rêves, la spiritualité… le tout, agrémenté d’une enquête policière et même d’un soupçon de manipulation politique. tous les personnages sont en quête, de plusieurs façons : recherche d’affection, d’une raison d’être, d’une mémoire perdue, d’un passé historique oublié, quête de vérité, de pouvoir, enquête policière.
la langue est soignée, très belle, « d’un classicisme si aigu en apparence qu’elle en devient déconcertante […] » (dixit la quatrième de couverture). bon, pour être honnête, moi qui suis un peu obtus, une bonne partie de la poésie m’est sans doute passée par-dessus la tête. la plupart des dialogues, après deux répliques, partent en échanges métaphysiques dont les sujets me sont restés plus ou moins mystérieux. mais ça reste magnifique à lire, malgré la difficulté.
je peux pas vraiment noter ça, alors (un peu arbitrairement) je mets le maximum pour saluer le travail littéraire et poétique de l’auteur.
l’auteur
Jacques Abeille, poète et romancier, est issu du surréalisme. il ouvre son cycle des Contrées avec Les jardins statuaires (1982), dont Le veilleur du jour (1986) est complémentaire. il publie aussi de nombreux textes sous pseudonyme, pour la plupart érotiques (ce que j’ai appris avec surprise).
il reste un écrivain obscur jusqu’en 2010, date à laquelle il rencontre le dessinateur de l’imaginaire François Schuiten (Les cités obscures). celui-ci illustre alors le cycle des Contrées et ils collaborent même pour la création du roman graphique Les mers perdues.
aujourd’hui, son œuvre est reconnue et étudiée, par exemple dans Le dépossédé d’Arnaud Laimé (trouvable à la Med !).
— Malpathoque, le 2017-05-08
la trilogie des ferrailleurs, Edward Carey
Le château (2013), Le faubourg (2014), La ville (2015)
- éditions Grasset
- fantasie
- ★★★★☆
l’étrange famille Ferrayor règne depuis des générations sur le Grand Dépotoir de Londres. dans leur gigantesque château au cœur des ordures, on sait toute l’importance des objets les plus dérisoires. c’est pourquoi la disparition de la poignée de porte de Tante Rosamud met tout le château en émoi. les objets murmurent leur nervosité au jeune Clod Ferrayor qui les entend parler — oh, si peu, rien que leurs noms. et une orpheline arrive au château. quelque chose se prépare, c’est sûr.
sans doute à classer dans la « littérature jeunesse », mais ça se lit très bien à tout âge. univers fantasmagorique. style étrangement décalé, plein de dérision, qui plante le décor en m’évoquant la bourgeoisie londonienne et met comiquement en valeur l’insignifiant. et, bonus, édition superbe (conservée par Grasset pour la traduction française) illustrée par l'auteur — jugez plutôt — qui contribue à l'ambiance gothique. l’auteur-illustrateur, Edward Carey, est souvent comparé à Tim Burton, Erik Satie, Roald Dahl et Charles Dickens. moi, j’adore.
le tome 1 est très bien rythmé : il accroche dès le début, tient en haleine tout du long et monte en puissance jusqu’à l’apothéose finale. j’ai un peu moins aimé le tome 2 que j’ai trouvé plus décousu, avec trop d’action et une accumulation excessive de problèmes (il y a bien trois menaces indépendantes et simultanées qui mènent à la même conclusion, si ça c’est pas de l’annulation…). mais ça reste plaisant et ça apporte des ajouts intéressants. de toute façon, après le tome 1 il est impossible de ne pas lire la suite. le tome 3, plongé dans le noir, apporte une conclusion paroxysmique à la trilogie !
— Malpathoque, le 2017-05-05
''La zone du dehors'', Alain Damasio
- 1999, révision en 2007
- éditions La Volte
- anticipation dystopique
- ★★★★★
l’auteur
une présentation de l’auteur s’impose. Alain Damasio est un écrivain français connu dans le milieu de la science-fiction et de la fantasie pour une poignée de nouvelles (recueillies dans Aucun souvenir assez solide) et deux romans : La zone du dehors (1999, révisé en 2007) et La horde du contrevent (2004).
son travail se caractérise par une recherche sur la forme, ce qui inclut un soin extrême apporté aux mots (d’où une rédaction lente) et des procédés nouveaux de mise en page. cela lui vaut d’ailleurs certaines critiques, pour un style jugé prétentieux par certains, et des particularités de forme considérées comme des « fioritures » (voir la deuxième critique de ''La horde du contrevent'' par ActuSF).
mais cela va plus loin puisqu’il touche également à d’autres médias que l’écriture, principalement le son et le jeu vidéo, dont il écrit des scénarios. il s’intéresse à la création transmédia. ainsi, aux éditions La Volte (créées sous l’impulsion de Damasio), La horde du contrevent vient avec une « bande originale » sur CD et la réédition de 2007 de La zone du dehors inclut un DVD de « bonus » (que je n’ai pas vu car j’ai l’édition de poche).
le roman
venons-en enfin à son premier roman. La zone du dehors décrit une société urbaine et policée à la mécanique bien huilée. un meilleur des mondes. en deux mots : une cage dorée. dans ce bocal hautement normalisé, des singularités vivantes voguent à contre-courant : la Volte. non pas des inadaptés — il n’y en a pas dans ce nid douillet — mais des marginaux qui s’agitent pour se défaire de leur camisole et s’échapper dans le dehors hostile. dans leur combat de subversion contre la servitude volontaire, la question posée est : « le confort ou la liberté ? »
je sais à quoi vous pensez. si si : 1984, Big Brother, tout ça. tout le monde fait ça. après tout, c’est une œuvre fondatrice de la science-fiction dystopique, et Damasio lui-même y fait référence3. alors, pour l’inévitable comparaison : les dictatures d’Orwell et de Damasio ont des origines opposées. la première s’inspire des totalitarismes des années 40. exprimant les peurs de l’époque, Orwell extrapole un totalitarisme implacable et cruel. la seconde est une dérive sournoise de nos démocraties contemporaines, prolongement de tendances actuelles. ainsi, la société de Damasio est une dictature douce et confortable aux dehors de démocratie, une évolution dangereusement proche et crédible.
ce premier roman n’est pas qu’un message politique. Damasio y inclut tous les aspects récurrents de son œuvre : sa philosophie de la vie4, qu’il associe à la liberté et au mouvement — rétrospectivement, ses élucubrations venteuses dans La horde du contrevent s’expliquent mieux —, et son travail sur la forme. sans oublier de tailler la part belle au romanesque. tous ces éléments se retrouvent plus développés encore dans son second roman, y compris certains personnages dont on reconnaît ici des prototypes.
à mon avis c’est un livre exceptionnel à lire absolument. il m’a marqué comme peu d’autres dans ma vie. il a bouleversé ma façon de voir le monde, au point que je n’ai rien voulu lire après pour ne pas perdre l’état d’esprit dans lequel il m’a laissé.
ressemblance amusante et non pertinente
— Malpathoque, le 2017-05-05
''Le problème à trois corps'', Liu Cixin
- 2006
- éditions Actes Sud, 2016
- science-fiction
- ★☆☆☆☆
en 2007, la communauté scientifique semble frappée d’une étrange vague de suicides et d’assassinats. qui, comment, pourquoi ? y a-t-il un lien avec cette « Société des frontières de la science » ? en Chine, le physicien Wang Miao se trouve entrainé malgré lui dans une mystérieuse course contre la montre.
premier tome d’une trilogie, Le problème à trois corps est une œuvre de s·f· apparemment très populaire en Chine, mais qui a dû attendre 2014 pour faire parler d’elle dans le monde occidental. depuis, ce livre est encensé de tout partout, mais moi j’ai pas aimé. c’est comme ça. donc une fois n’est pas coutume, vla une critique négative. beaucoup plus longue que les autres.
ne lisez pas la quatrième de couverture !
voilà comment commencent toutes les critiques existant sur Internet. sauf la mienne, hahaha. c’est vrai que le résumé de ladite quatrième de couverture spoile très sévèrement le roman5. en fait, il résume la situation finale. révoltant, juge Internet. mais moi je suis content de l’avoir lu, innocemment, avant d’attaquer le livre. au moins je savais à peu près dans quel genre je me lançais… enfin je croyais… car le livre est construit de telle sorte qu’on ne sache pas de quoi ça parle (appelons ça l’intrigue 1) avant au moins la page 50. et de quoi ça parle vraiment (appelons ça l’intrigue 2) avant la page 200. non seulement le résumé de la quatrième de couverture révèle l’intrigue 2 (ce que je trouve souhaitable, comme je disais), mais en plus il ne dit rien de l’intrigue 1 (ce qui m’embête carrément). il n’a aucun point commun avec mon propre résumé, ci-dessus, de l’intrigue 1. donc :
- soit on a lu le résumé de la quatrième de couverture et alors on connait le genre et la fin du roman mais pas le type d’intrigue qu’on va devoir se taper pendant 400 pages ;
- soit on a lu mon résumé et alors on connait le contraire ;
- soit on a lu les premières pages et alors on ne connait aucun des deux.
plus de blabla sur le résumé
le résumé actuel est effectivement trop précis, mais dans tous les cas, parler de l’intrigue 2 signifie révéler le pot-aux-roses de la moitié du bouquin. et ça, c’est la faute au bouquin.
autre argument : c’est le début d’une trilogie et le thème de celle-ci est donné par l’intrigue 2, pas par l’intrigue 1.
vous aurez compris que je n’ai pas aimé le scénario et la structure du livre. je n’ai pas aimé de me lancer dans un livre qui me cache sa véritable teneur, et qui m’a fait lire malgré moi un scénario de type complot-mondial-illuminati. ce genre ne me plait pas du tout (bien que soit dans le cercle des attentes de ***, oui je sais) et ledit complot est tout à fait caricatural et irréaliste.
en plus, ça induit des allers-retours incessants entre présent et passé. c’est la ruse de sioux de l’auteur pour ne pas dire avant le milieu du livre ce qu’il s’est passé avant le début, et donc quels sont véritablement la situation initiale et ses enjeux. d’ailleurs, j’ai trouvé désagréable le fil assez décousu du roman, non seulement ce ping-pong temporel mais aussi les variations de formats, car l’auteur décide souvent de continuer sous forme de discours rapporté, d’interrogatoire policier ou de documents classifiés. et malgré ce bazar, l’intrigue est en fait linéaire et simpliste, ce qui gâche complètement le petit effet « enquête policière » qu’elle essaie de se donner.
pour ajouter au mystère, l’auteur introduit dans l’intrigue 1 des éléments inexplicables avant la Grande Révélation. résultat : non seulement le personnage principal ne comprend rien du tout jusqu’à ce moment, mais le lecteur non plus. pour être franc, même sans avoir lu la quatrième de couverture, on peut plus ou moins deviner au cours de la lecture le grand secret du roman, mais ça ne suffit pas car les explications sont invraisemblables et tout simplement indevinables. c’est comme si l’auteur voulait absolument mettre tel effet spécial dans son bouquin et s’est soucié à postériori de trouver une explication.
les scènes s’enchainent sans lien entre elles, particulièrement les scènes d’action finales qui ont l’air de tomber du ciel.
d’ailleurs, le livre devient de plus en plus délirant au fil des pages : juste au moment où on se dit « ça y est, là on a atteint le zénith du loufoque », le chapitre suivant nous contredit.
ce qui m’amène aux personnages. alors que des révélations de plus en plus énormes se succèdent, ceux-ci semblent à peine émus. en caricaturant à peine, ça donne ce genre de dialogues :
- « Dieu existe, il passe prendre le thé demain.
- — très bien, j’amènerai des ptits gâteaux. »
pour être plus justes, ils sont un peu perturbés au début du roman, histoire de, comme ça ensuite le spectateur peut sans doute s’imaginer qu’ils sont dans un état second et que plus rien ne les étonne. pour moi, les personnages sont une des faiblesses du livre. les états d’âme et la psychologie des personnages principaux sont presque inexistants. ils font souvent des choix forts qui ne sont pas expliqués. Wang Miao a une femme et un enfant, qui sont mentionnées dans un unique chapitre parce qu’ils font partie du décor à ce moment-là. sa passion pour la photographie subit le même traitement. quant aux personnages secondaires, ce sont des clichés ambulants.
la froideur des personnages principaux est plutôt classique si l’on considère que le roman est une œuvre de hard-s·f·. car en effet, le roman est inondé de baragouin physicien, parfois bien inutilement (non ça sert à rien dans le récit que le fond diffus cosmologique corresponde au rayonnement du corps noir chauffé à 1337 K). à moins que tout ne soit pompé de Wikipédia, on sent que l’auteur est familier du monde scientifique. je crains d’ailleurs que ça soit un peu difficile d’accès pour qui n’a pas suivi6 un cours de physique post-bac. ça ne m’a pas l’air d’un kamoulox complet, mais c’est vraisemblablement exagéré. en tout cas, la technologie qu’il en tire est infiniment trop puissante.
donc le livre veut se donner des allures de hard-s·f·, quitte à spéculer certaines choses. sauf que voilà, c’est pas du tout crédible. il y a, comme j’ai déjà dit, le complot-mondial-illuminati que je trouve grossier ; il y a ce jeu vidéo qui me parait bien trop avancé pour notre époque ; et il y a d’autres faits dont je ne peux pas parler sans trop spoiler.
en plus des logorrhées scientifiques, l’écriture est bourrée d’éléments parasites balancés au hasard. ça donne parfois l’impression que l’auteur étale sa culture (deux exemples : un personnage anglais qui existe pendant une phrase pour lâcher « to be or not to be » comme un cheveu sur la soupe ; un peu plus tard, une mention de Linux sans rapport avec le sujet, comme le roman le dit lui-même juste après).
un point plus mineur pour finir : j’ai trouvé le style littéraire lourd, verbeux — en tout cas dans les premiers chapitres, curieusement j’ai le sentiment que ça s’estompe après. vu que j’ai eu la même impression avec d’autres œuvres traduites du mandarin, je soupçonne un peu que ce soit la langue sous-jacente qui fasse ça : peut-être qu’elle est naturellement plus précise que le français, je sais pas.
voilà, j’ai pas aimé, et même pour connaitre la fin de l’histoire je ne lirai pas la suite.
— Malpathoque, le 2018-01-13.
''La symphonie des siècles ⅓ : Rhapsody'', Elizabeth Haydon
- 1999, révision en 2007
- éditions J’ai lu
- fantasie
- ★☆☆☆☆
« Tandis qu’elle fuit les hommes de Michael, un ancien amant devenu baron de la pègre, Rhapsody trouve de l’aide auprès de deux étranges personnages : Achmed le Serpent et Grunthor le géant firbolg, eux‐mêmes confrontés à une situation autrement périlleuse. lorsqu’ils l’entraînent dans un voyage sans retour, le long des racines de l’Arbre‐Monde, Rhapsody se demande si elle n’a pas fait preuve d’un excès de confiance… »
<insérer vrai résumé (si une telle chose est possible)>
dans cette quatrième de couverture (ce rabat, en fait) transparait déjà ce que je reproche à ce bouquin. oui, c’est bien le tome 1, non il n’y a pas d’autre livre à avoir lu avant. même si on a souvent l’impression du contraire. bon, bref, je n’aurais pas pris ce livre dans une bibliothèque si quelqu’un ne me l’avait pas conseillé par ailleurs. je vais faire court : je n’ai pas aimé, pour trois raisons :
- archi‐cliché
- narration confuse, quand elle n’est pas carrément incohérente
- construction de l’histoire calamiteuse
archi‐cliché : ça se sent particulièrement dans le (long) chapitre introductif, qui ne nous épargne aucun lieu commun. on a même la feinte artistique du cliché-qu’on-voit-venir-gros-comme-une-maison-mais qu’en-fait-non-ah-mais-il-arrive-par-surprise-dix-pages-après. la suite du roman semble un peu en‐deçà, mais répond finalement à nos attentes puisqu’on a par moments l’illusion d’être plongés dans une retranscription de Skyrim. Un vrai succès.
narration confuse : du genre, on apprend au milieu d’une péripétie qu’en fait ça se passe dans une grotte. on se demande sans cesse à qui ou à quoi se réfère tel ou tel passage. la Grande Guerre, c’est laquelle ? on n’a pas eu le topo sur l’histoire du monde mais, si j’ai bien inféré, il y en a eu au moins deux, à des époques et sur des continents différents… voire incohérente : le chapitre 60 se déroule l’après‐midi, le matin et le soir ; l’héroïne s’y trouve simultanément immobile et lancée dans une course éperdue ; elle conclut le chapitre, dont le sujet principal était son épuisement extrême, en allant trucider du méchant. dans le best-of, retenons aussi le mémorial du débarquement de McQuieth qui ne se trouve pas sur le continent où McQuieth a débarqué, et le beau ciel étoilé visible depuis une ile sur un lac souterrain.
construction de l’histoire calamiteuse (ouais je savais pas comment le formuler celui-là) : c’est un peu la version globale de la critique précédente. pour faire simple, on n’a aucune idée d’où l’on va : l’histoire n’a pas d’enjeu, les héros pas de motivation connue. au milieu du livre, ils sortent d’une aventure qui les abandonne sans but dans l’univers. quelques chapitres plus tard, on découvre qu’ils ont décidé de se forger un empire sans nous prévenir ; d’ailleurs, après avoir fini le tome, je ne sais toujours pas pourquoi (et ça ne colle vraiment pas à leur genre), sans doute pour occuper les 300 pages qui restent. le plus beau, c’est que la première histoire ne semble servir à rien dans la suite (alors que bon, c’est pas rien du tout ce qui leur arrive). et c’est pas une prophétie cryptique qui va nous éclairer.
— Malpathoque, le 2018-04-24.
les remarques idiotes
autrement dit, le fameux axiome TGCM a une fâcheuse tendance à rendre incohérent un système physique… et on ne veut pas d’un système incohérent, n’est-ce pas ? ce serait dommage que les personnages puissent tout résoudre d’un claquement de doigts… (1)
à ce sujet, je suis content que comparé à des œuvres comparables, la magie ne joue finalement qu’un rôle bien secondaire dans Le Trône de fer (sauf pour la menace des zombies congelés, là (d’ailleurs j’ai toujours pas compris s’il y avait une différence entre « Autres » et « Marcheurs blancs » et peut-être encore d’autres variétés de machins morts)). (2)
il semble qu’une autre référence pertinente (pas lue) soit le roman pionnier Nous autres du russe Zamiatine (1920) ; on y retrouve un système politique comparable (bien que totalitaire là encore) et même l’idée des cloisons en verre. La zone du dehors est également à relier aux travaux des sociologues Michel Foucault et Gilles Deleuze. (3)
j’espère que ça ne fait pas trop brochure de la Fondation Saint-Joseph Pour La Vie. (4)
au fait, le titre du livre est aussi un spoil. (5)
ou, dans mon cas, s’est fait rouler dessus par (6)