Alors.. Ma conception de la thèse... Ce qui suit est le fruit de longues heures ennuyeuses passées dans un labo à ne rien faire. Je craque un peu donc cette page est à omettre de votre mémoire en première lecture (et suivantes aussi). Pour l'instant je ne suis qu'en première année, je vais tenter de vous retranscrire la manière dont je la perçois (cette première année de thèse).
Le commencement: objectifs
Alors au début, au tout début, on a à peu près ça devant soi:
Un grand désert rempli de vide dont l'horizon se dessine à grand peine. Qu'est-ce qu'on est censé faire de cela? Eh bien la thèse, c'est l'entrée dans le monde de la recherche, donc on doit chercher. On doit se familiariser avec ce terrain quasi-inconnu, et découvrir ce qu'il cache. Pour continuer le parallèle thèse/désert [*], à l'issu de la thèse (en science en général ça dure 3 ans), c'est bien d'avoir trouvé quelque chose, ça peut être une oasis, un petit village ou encore une grande ville riche et généreuse tout comme ça peut juste être une crotte de chameau (je mets pas de lien cette fois-ci). Dans la dernière situation il est d'usage de dire qu'on a raté sa thèse. Mais comme le milieu de la recherche est accueillant, on vous la donne quand même. Pour pousser la métaphore (médiocre je vous l'accorde) un peu plus loin, on va dire que le jour de la soutenance on doit être capable de présenter aux membres du jury une cartographie du paysage précédent, avec telle grande ville déjà explorée là, tel raccourci menant à ce petit village ici...
[*] Pourquoi thèse/désert? Ca vient peut-être de mes origines, nos amis bretons pourront faire l'équivalent en thèse/mer par exemple.
Ce qui embellit le désert c'est qu'il cache un puits quelque part... A. de Saint Exupery -- WikiOliv
Les cartes en mains
Imaginez vous comme ça, seul, au milieu du désert, avec trois ans devant vous pour faire une cartographie, ça paraît mal parti. Mais le monde est bien fait, non seulement vous avez un stage de M2 dans la poche qui devrait faciliter la tâche mais en plus vous avez un directeur de thèse. Explication de ces deux attributs en termes désertiques.
Le stage de M2
Le stage de M2 n'a parfois que peu de rapport avec la thèse, mais en général disons qu'à son issue vous savez marcher sur une dune et éviter les gros scorpions/serpents. Si vous avez de la chance on vous a même appris à tenir une carte.
Le directeur de thèse
Le directeur de thèse, lui, est là pour vous guider. Il connaît mieux le désert que vous. Typiquement, au début c'est lui qui vous dit "Ben écoute tu vas prendre à droite là, continue tout droit, vois si tu trouves quelque chose". Si vous ne trouvez rien vous retournez le voir. Parfois il vous accompagnera à l'endroit indiqué pour, soit constater que, en effet, il n'y a rien, soit vous montrer le magnifique palais oriental qui était là, à un mètre devant vous, et que vous n'avez pas réussi à voir. Ca parait impossible, mais je vous assure que ça arrive. Même qu'après on a l'air bête. Pour vous aider, votre directeur de thèse peut aussi vous fournir un petit plan de l'endroit où vous vous trouvez, permettant de vous guider sur un petit périmètre. Ce même petit plan, alors qu'il paraissait limpide quand on vous le présentait, se transforme en un charabia incompréhensible à l'instant même où vous quittez votre directeur de thèse. Pour mieux comprendre, rien ne vaut un petit exemple.
Les ustensiles divers
Notre ère se veut et se définit comme une ère technologique. Aussi, même pour les sujets les plus purs et les plus abstraits, une thèse n'est pas envisageable juste avec un papier et un crayon. En pratique il faudra, au moins pour le rapport, un ordinateur et peut-être bien plus pour la thèse elle-même (ordinateurs de calculs, machhhhines, éprouvettes ou autre microscopes). Là je vous vois venir: "Ayman, ta métaphore à deux balles s'arrête là, tu ne trouveras pas d'analogue désertique à ces ustensiles". Mais c'est sans compter mon imagination sans limite, car l'ustensile désertique, il est là. Vous êtes donc lâchés au milieu du désert avec un dromadaire qui pourra vous permettre d'effectuer vos trajets plus rapidement mais également d'emmagasiner les éléments que vous récolterez ici et là.
Groupes de travail, Séminaires, Conférences
Trois noms pour grosso modo un même concept: un groupe de chercheurs se donne rendez-vous à un endroit précis, à une heure précise. L'un d'entre eux prend la parole en pointant son doigt vers l'horizon et dit: "Moi je suis allé là-bas, j'y ai vu des palais, des fontaines et de la nourriture à ne savoir qu'en faire", il alimente son récit de descriptions, aussi précises que floues, expliquant comment il avait fait pour trouver ces "palais, fontaines..". Nous (les autres chercheurs), on n'a pas tout suivi depuis le début mais quand il a commencé à parler de "palais, fontaines.." on a essayé de reprendre le fil. Mais tout ce qu'on a compris c'est que ces "palais, fontaines" sont très loin d'ici, alors comme on a la flemme et qu'on à d'autres choses à trouver (des crottes de chameau en l'occurence), on lutte contre le sommeil en attendant la fin du "talk". Pour prouver ces dires l'orateur amène parfois (grâce à son dromadaire) des preuves tangibles de l'existence des "palais, fontaines..", sans pour autant clairement nous dire comment y parvenir.
Parler du désert, ne serait-ce pas, d’abord, se taire, comme lui et lui rendre hommage non de nos vains bavardages mais de notre silence ? Théodore Monod -- WikiOliv
Mes impressions jusqu'ici
La thèse c'est dur. Enfin je suppose que ça dépend des gens, mais moi je ne dois pas du tout avoir le sens de l'orientation et surtout l'envie de m'orienter. Je ne suis qu'en première année donc ça peut paraître pessimiste, mais j'ai de plus en plus l'impression que la recherche (ou la cartographie, comme vous voulez 
), ce n'est pas fait pour moi. Après il y a tout de même des aspects sympas. Tout d'abord vous n'êtes pas vraiment seuls dans le désert, vous croisez souvent des gens qui cherchent leur chemins, comme vous. Quand ils sont aussi perdus que vous ça rassure franchement. Bon après on n'est pas à l'abri de blonds qui vous lancent des "Ouais euh alors moi je trouvais rien, alors j'ai construit une oasis là et une ville derrière", mais bon il faut de tout.
Le mot de la fin (de page)
Je parais peut-être un peu aigri, ce doit être le cas mais ça va certainement me passer. Je remercie le wiki d'être un si bon exutoire. J'invite tous les thésards à alimenter cette page en rajoutant des comparatifs thèse/désert. Je suis sûr qu'il en existe encore pleins.
Commentaires
À défaut de t'orienter vers une carrière de chercheur, tu pourras toujours te reconvertir dans les contes pour enfants.
Enfin en tout cas le parallèle est excellent, et tout ce que tu racontes est terriblement vrai. Il ne faut pas baisser les bras. La motivation, dans une thèse, « ça s'en va et ça revient » comme dirait l'autre. C'est vraiment très fluctuant, et tu peux passer trois mois sur un nuage comme six mois dans une traversée du désert (aucun rapport). Ça dépend souvent de ton avancement. C'est normal, on est tous passés par là. Moi par exemple, j'ai eu sur mes deux premières années trois gros passages à vide de deux mois. Ça fait pas plaisir, mais en général juste après t'as un coup de bourre qui arrive. Là, tout allait bien la semaine dernière et depuis une semaine plus rien ne fonctionne... -- Will, 2007-09-21
Pour illustrer ça, rien ne vaut deux bons graphiques : graphe de motivation et graphe de travail.
D'ailleurs, si tu t'emmerdes au labo, n'hésite pas : comme tous les thésards au moins une fois dans leur vie, perds ton temps.