De la notion de sexe à l'épistémologie féministe
Note de style : Quand un syntagme est souligné c'est qu'il s'agit d'une définition.
régime épistémique et argumentation en conflit éditorial sur Wikipédia
Un régime épistémique est une conception de ce qu'est la connaissance, en lien avec des valeurs. Sur Wikipédia, lorsqu'il s'agit d'argumenter dans le contexte d'un conflit éditorial, les régimes épistémiques et valeurs correspondantes mobilisés sont principalement : On va pas mal croiser de régime critique dans la suite.
[ sociologie 🏙️ 13 min ]
féminisme
(en anglais)
Le terme féminisme est utilisé pour désigner : Il s'agira essentiellement de conceptions académiques dans cette promenade, vous voilà prévenu⋅e⋅s !
[ philosophie 🤔 11 min ]
Reproduction sexuée et système reproducteur :
- chez l'humain :
Le brassage génétique lors de la reproduction présente un intérêt évolutif. Dans les formes de vie pluricellulaires notamment, il est permis par la production de gamètes. Un gamète est une cellule spécialisée capable de fusionner avec un gamète d'un autre individu et d'ainsi former un nouvel individu dont le génome est un mélange des génomes des deux parents. On parle de reproduction sexuée. Une fois ce mode de reproduction instauré il y a un intérêt évolutif à faire des gamètes à moindre coût énergétique, donc potentiellement moins efficaces (et typiquement moins gros), pour en faire plus. Dans ce contexte, une autre stratégie optimale consiste à produire des gamètes très efficaces, quitte à ce qu'ils soient plus coûteux énergétiquement (et typiquement plus gros) donc moins nombreux. Les premiers gamètes sont par convention qualifiés de mâles et les seconds de femelles. On parle d'anisogamie pour désigner la reproduction avec ces gamètes différentiés. Il s'agit donc là d'un modèle de l'origine évolutive de l'anisogamie fondé sur la théorie des jeux. Noter qu'il existe d'autres phénomènes de différenciations des gamètes. Notamment, certaines espèces présentes des types sexuels de gamètes, c'est-à-dire des différenciations génétiques entre les gamètes qui font que deux gamètes d'un même type ne peuvent pas fusionner et deux gamètes de type différent peuvent fusionner. Chez les mammifères par exemple, les gamètes mâles et femelles sont aussi deux types sexuels de gamètes : ces deux différentiations sexuelles se superposent. Les organismes peuvent faire l'objet d'autres adaptations (au sens de la théorie de l'évolution) en lien avec les différentiations sexuelles au niveau gamétique. On parle de caractères sexuels. Par exemple, il peut y avoir des canaux différents pour transporter les gamètes femelles et mâles (et cela ne suppose pas des individus différenciés par type de gamètes produits : cf. l'hermaphrodisme, chez les escargots par exemple). Dans le cas où les gamètes femelles et mâles sont produits par des individus différents, on parle de types sexuels d'individus. De plus, lorsque dans une espèce un individu possède un seul type sexuel constant pour toute sa vie, on parle de gonochorisme (par opposition à l'hermaphrodisme successif lorsqu'il est possible de changer de type sexuel au cours de la vie). Par le jeu des adaptations à la reproduction, l'existence de types sexuels dans une espèce est associée à des organismes différenciés au niveau de caractères sexuels selon le type sexuel de l'individu. Par exemple, les individus produisant des gamètes mâles pourraient plus souvent avoir les canaux adaptés au transport de gamètes femelles atrophiés, et réciproquement. On appelle sexe d'un individu l'ensemble de ses caractères sexuels. Donc avec ce vocabulaire : l'existence de types sexuels chez une espèce est associé à une différenciation des sexes entre les individus selon leur type sexuel. Lorsqu'il y a deux types sexuels d'individus, cette différenciation des sexes entre les individus selon leur type sexuel est appelé dimorphisme sexuel. La binarité des types de gamètes, aussi stricte soit-elle, n'implique pas forcément une binarité stricte des sexes à l'échelle des individus, quand bien même chaque individu ne produirait qu'un type de gamète (c'est-à-dire quand bien même la binarité des types sexuels des individus serait stricte, comme chez l'humain). Par exemple, certains individus pourraient posséder uniquement les canaux adaptés aux gamètes femelles, d'autre uniquement ceux adaptés aux gamètes mâles, et d'autres les deux types de canaux. Chez l'humain, le dimorphisme sexuel fait l'objet d'études spécifiques, notamment concernant : les aspects des organismes et de leur fonctionnement qui sont ou non touchés par le phénomène.
bonus : limite du dimorphisme sexuel chez l'humain
[ biologie 🦠 52 min ]
Le sexe est un bon prédicteur d'une part de la position social : le genre. Pour étudier les façons de concevoir cet ordre social sexué, définissons-en deux conceptions caricaturales et opposées. Naturalisme : le genre c'est du sexe, c'est-à-dire que la part de la position sociale corrélée avec le sexe découle directement d'adaptations à la reproduction sexuée. Anti-naturalisme : Ni l'un ni l'autre n'est satisfaisant en l'état. Pour penser correctement le système sexe/genre et en particulier le sexe, il ne faut pas : avoir une conception prescriptive de la biologie, notamment sur les interventions médicales.
Note sur le vocabulaire : les termes naturalisme et anti-naturalisme sont aussi utilisés pour désigner des couples de positions plus nuancées, simplement pour indiquer que l'une est plus proche d'un des pôles définis ci-dessus que l'autre.
[ philosophie des sciences 🤔 22 min ]
constructivisme linguistique et études de genre
Un concept est le produit d'une histoire : il n'est pas donné directement et instantanément à partir du réel, on dit qu'il est construit. (Cela n'est pas en contradiction avec le fait qu'il puisse correspondre effectivement à quelque chose de réel, son réalisme.) Notamment, un concept est très souvent socialement construit, c'est-à-dire que sa construction fait intervenir des phénomènes sociaux. Il dépend alors en partie du contexte social dans lequel il est construit, et en particulier des représentations qui y sont véhiculées. Par abus de langage, au lieu de dire que la notion x est socialement construite, on dit que x est une construction sociale. Remarques en lien avec l'épisode précédent : avoir l'idée qu'une notion n'est pas construite, c'est naturaliser cette notion. La naturalisation d'une notion est le plus souvent une position implicite voire inconsciente : prendre la notion telle quelle sans questionner ni sa pertinence pour décrire le réel, ni sa construction. (Exemple dans la vidéo : « naturaliser la différence des sexes ».) D'ailleurs, bien d'autres choses sont le produit d'une histoire ; elles sont construites. À titre d'exemple, la vidéo cite des influences du social sur le biologique via la physiologie, l'écologie ou encore l'évolution. En fait, des faits biologiques aussi peuvent être socialement construis, pas que des concepts. Concentrons-nous tout de même sur les concepts. La conception (construite) qu'on a de la réalité influence ce qu'on fait, ce qui influence la réalité, ce qui influence à son tour la conception qu'on en a (en bref : concepts -> comportement -> réalité -> concepts -> …). La construction sociale de chaque maillon se poursuit. Le problème épistémologique ici, c'est qu'au fil du temps, les mots changent de signifiés, ou même les signifiés changent, sans qu'on n'en ait forcément conscience. D'ailleurs, la construction des concepts peut aussi différer selon les environnements sociaux. Par exemple, pour la notion de sexe, la conception proche de la biologie évolutive vue précédemment à base d'adaptations n'est certainement pas le sens commun. Le discours biologique étant de plus perçu comme particulièrement légitime (autorité épistémique) le risque est alors que le propos soit naturalisé hors de la communauté scientifique émettrice. Or, les scientifiques viennent de et vivent dans la société. La naturalisation de certaines conceptions, en particulier au sujet du système sexe/genre, peut donc biaiser la pratique scientifique… mais ça on en reparle dans la suite de la promenade ! Le constructivisme linguistique c'est ce paradigme d'étude des concepts (et plus généralement d'étude des attitudes subjectives : les discours et représentations) et de leurs conséquences sur la réalité qu'ils désignent. C'est donc une thèse épistémologique : (Et plus généralement c'est : et donc l'étude de la réalité ne peut faire l'économie de l'étude des attitudes subjectives et de leur construction : après tout, le langage fait partie de la réalité.)
[ philosophie des sciences 🤔 23 min ]
enjeux épistémologiques de la biologie féministe
ajouter un résumé/teaser
[ philosophie des sciences 🤔 1 h 11 ]
À l'origine des épistémologies féministes, il y a la recherche et l'élimination des biais sexistes et androcentriques dans les conclusions scientifiques. Un travail épistémologique on ne peut plus classique donc. Mais l'épistémologie féministe devient méta quand elle ne critique non pas les biais de disciplines scientifiques données, mais les biais de l'épistémologie elle-même, et en premier lieu ceux concernant les notions d'objectivité et de neutralité des sciences. Un savoir scientifique peut être influencé par le fait que sa production se fait dans un contexte social. On parle de savoir situé. On a déjà vu un aspect du caractère situé des savoirs : la construction sociale des concepts. Un autre aspect est que la production scientifique dépend de ce qui intéresse les scientifiques, et donc de leurs conditions d'existences (leur socialisation notamment). Se pose donc la question de la représentativité sociale des scientifiques, notamment en terme de genre. Pour pouvoir continuer à faire de la science en attendant de résoudre ce manque d'objectivité de la communauté scientifique, en bref pour que les savoirs situés soient les plus exploitables, l'épistémologie féministe devenue épistémologie du positionnement (standpoint epistemology) propose de revoir les critères de scientificité des recherches en y intégrant l'énonciation d'une partie de sa subjectivité : son positionnement. Un positionnement, c'est un ensemble de motivations à effectuer telle ou telle recherche (motivation politique, motivation esthétique…). Par réflexivité, l'épistémologie féministe décrit un positionnement féministe : la défense d'une science non sexiste et non androcentrique, notamment pour ne pas laisser le pouvoir issu de la science à une part du corps social. L'épistémologie féministe voit aussi un positionnement compatible avec une science démocratique (c'est-à-dire praticable par tou⋅te⋅s et qui ouvre ses motivations à la discussion) comme un critère de scientificité. Que dites-vous ? Il y a des échos de la notion de régime épistémique dans celle de positionnement ? Comme si cette promenade avait une sorte d'organisation…
[ philosophie des sciences 🤔 20 min ]
Fin !