Pfiiiiouu déjà un an et demi! Bon maintenant que j'ai dit que j'allais faire une suite j'ai plus trop le choix. Je vais essayer de continuer sur la métaphore-filée-à-deux-balles avec un élément déterminant de la thèse, que l'on connaît dès la première année et que j'ai réussi à ne pas mentionner:
La lecture d'article
Comme c'est dur de trouver un truc tout seul dans le désert et que parfois on a vraiment aucune idée, votre directeur va vous donner de la biblio. La biblio c'est quoi? C'est toute une série de cartes que d'autres chercheurs ont dessiné et que vous devez (essayer) de déchiffrer. Parfois c'est vraiment très dur parce que les autres chercheurs ne ménagent pas les débutants comme vous, parfois ils n'indiquent même pas l'échelle de la carte ni même l'orientation. Pire encore ils peuvent s'amuser à faire référence à une autre carte qui elle même fait référence à un autre plan qui lui-même ... bref vous, en bon thésard, vous n'aimez pas beaucoup ça, la lecture d'article. Et il faut dire qu'elle vous le rend bien.
La première année: l'évolution statique
Si j'en crois l'avis de certains de mes aînés, il n'est pas anormal de ne rien trouver en première année. Celle-ci sert essentiellement à se repérer un peu dans le désert.
Par contre lors de la thèse le processus d'apprentissage est extrêmment lent et totalement différent de l'évolution scolaire "Cours / TD / Cours / TD / Cours / TD / Exam " qu'on a connu jusque lors. On a franchement l'impression de ne pas du tout évoluer. Au lieu d'aller vaillamment grimper sur l'une des dunes que notre cher directeur nous à proposé de découvrir, on va traînailler entre l'oasis qui se situe à deux pas (et que l'on connaît déjà depuis un moment), regarder fixement la carte qu'un collègue vient de publier, soupirer un grand coup et retourner vaquer à des occupations plus captivantes.
Localement, au jour le jour, on a réellement l'impression de ne rien apprendre mais au bout d'un an vous commencez à vous rendre compte de la magie de l'escalier du diable.
A force de regarder fixement le désert et les quelques cartes qu'on vous a demandé d'étudier, vous commencez à vous imprégner de certains détails. Sans vous en rendre réellement compte vous savez maintenant que l'oasis avoisinante possède exactement 15 palmiers-dattiers, que du haut de la dune derrière vous on peut voir les trois villages les plus proches et enfin qu'aux alentours de midi il vaut mieux ne pas être dehors sans quelque chose pour se couvrir la tête [*]
Mais bon vous vous dites, que toutes ces choses ne vous sont pas tellement utiles .. et pourtant, si! Maintenant quand votre directeur vous donne une carte à lire, vous arrivez plus rapidement à vous orienter où à situer les lieux; parfois vous avez même déjà lu les plans donnés en référence!
Vous l'admettez finalement, au bout d'un an: vous avez progressé.
- [*] Cela vous paraît maintenant complètement évident et vous ne comprenez même pas comment vous pouviez faire pour ne pas le savoir il y a un an.
Le premier article
J'ai mentionné en première année le cas exceptionnel des blonds. A part celui-ci, deux situations se présentent essentiellement (j'ai la chance de n'avoir expérimenté que la première):
Après des semaines de labeurs pendant lesquelles vous avez rampé de dunes en dunes et d'oasis en oasis, vous parvenez à un petit village pittoresque inconnu jusque lors. Il n'est pas très très grand mais il dispose d'un puit et vous offre une vue sur un joli désert blanc qui semble intéressant (et que vous n'auriez pas vu sans le village !). Mais surtout vous connaissez le chemin qui mène à ce village par coeur. En retraçant ce dernier mentalement vous vous dites que, tout de même, "you've come a long way". Votre directeur vous propose d'en faire un article et vous êtes rassuré parce qu'au moins vous aurez quelque chose à dire le jour de votre soutenance.
- Vous avez découvert, grâce aux conseils de votre directeur, que si l'on se place tout en haut de la dune du Nord à 18 heures du soir et que l'on tend les bras bien haut ... eh bien le bout de votre ombre vient tomber précisément dans l'oasis aux 15 palmiers-dattiers. Vous trouvez cela un peu rigolo mais sans plus. Quelle n'est pas votre surprise quand votre directeur vous propose d'en faire un article (en mentionnant votre découverte sur une carte que des collègues à lui vont publier) ! Vous vous demandez quel peut bien être l'intérêt de ce genre de découverte, mais bon, c'est peut-être ça la recherche.